(BAILEY RICHARDSON) run boy run

enfant unique, petit garçon tant attendu, tant désiré. choyé, aimé, petit garçon curieux, énergique, créatif. il se voit encore sur le tabouret du piano, avec sa maman, en train de marteler les touches du piano alors que son père les regardait plus loin. bailey a toujours été plus proche de sa mère. ils se ressemblaient tellement. les traits très doux, ces yeux verts, cette énergie. il lui racontait tout. ses petits secrets, comment julie lui a fait un bisous sur la jour à la récré, comment la maîtresse l’a félicité pour sa lecture. le père réussissait tant bien que mal à s’insérer dans cet étrange duo complémentaire, petit équilibre trouvée, petite famille tranquille.

ça arrive toujours au petite famille tranquille.

il avait huit ans quand la tragédie est arrivée. un accident de voiture, causé par la route verglacée. elle a perdu le contrôle du véhicule, a fait une sortie de route et a foncé droit dans un arbre. l’équilibre venait de s’écrouler.

il y a eu l’enterrement. les gens habillés en noir, la main de son père dans la sienne, les larmes et le mutisme du petit garçon. il a fallu des semaines avant qu’il ne prononce un mot. l’étincelle qui était en lui s’éteignait petit à petit, étouffé par les larmes et les cris, la nuit. bailey et son père ne se parlaient pas. c’est à peine s’il le regardait. il avait perdu sa mère et son père devenait doucement un inconnu. richard ne s’est jamais remis de la mort de sa femme. et son fils représentait tout ce qu’elle avait été. le seul moyen qu’il avait pour oublier, c’était l’alcool.

ils se croisaient le matin, échangeaient trois mots le soir. ils s’évitaient, ne se supportant plus. bailey se concentrait sur ses études, il s’évadait à sa façon, essayait de ne pas s’enfoncer dans sa tristesse. il ne leur a jamais dit, mais cette petite bande au lycée, cette bande que tout opposée, ça lui a peut-être sauver la vie. parce qu’à la maison, ce n’était plus poli. ça criait. les trous dans les murs. les fugues.

à dix huit ans, il est parti. il a trouvé un métier, un truc qui lui plaisait. il allait créer, laisser cette créativité s’exprimer, retrouver un bout de sa mère dans l’art qu’il allait faire. il a laissé son père derrière lui, a trouvé un studio miteux mais il s’en foutait, il était libre.

il se redécouvrait une jeunesse, devenait l'adolescent heureux et épanoui qu'il avait voulu être. il sortait beaucoup, se tuait à la tâche pendant son apprentissage, une vie à cent à l'heure qu'il appréciait.

et puis y'a eu lui. coup de foudre, ce truc qui n'arrive qu'une fois dans une vie, au rayon papier toilette du centre commercial. un sourire échangé, une blague et puis le numéro, dans la foulée. bailey avait vingt quatre ans. l'amour, le vrai, il ne l'avait jamais vraiment connu. il n'en revenait pas que ça lui arrive à lui. ils ont filé le parfait amour pendant trois ans, jusqu'à l'incident.

week-end à deux, en amoureux, le mois avant l'anniversaire de bailey. ils ont décidé de faire une balade à ski, de slalomer entre les arbres, tout deux férus de vitesse. mais il a fait une sortie de route. accident, la tête a tapé contre le sol gelé et il a perdu connaissance.

réveillé quelques jours après dans cette chambre blanche d'hôpital, sa main dans la sienne. d'abord soulagé, le cœur se gonfle quand on leur annonce la suite. l'accident de bailey leur a permis de découvrir une tumeur au cerveau. une tumeur maligne. elle s'étend vite. on lui dit qu'il a de la chance qu'elle ait été découverte aussitôt. opération, chimiothérapie, c'est un traitement lourd, mais il est jeune, il devrait s'en sortir.

mais comme d'hab, ça ne se passe pas comme prévu. l'opération montre que la tumeur est plus invasive que les médecins ne pensaient, l'espoir diminue. bailey se voit peu à peu dépérir, contraint d'arrêter ce métier qui le passionne, contraint d'arrêter leur histoire à eux. il ne veut pas qu'il le voit comme ça, il veut pas l'entrainer avec lui.

bailey est décidé à rester seul.