(Aylin Bendóttir) close your eyes

Assise au fond de la classe, tu n’oses pas relever le regard par peur de croiser le sien. Lui, tu le connais. Depuis toujours vos chemins se mêle, c’est courant dans une petite ville en même temps. Mais depuis quelques temps, ses regards te mettent mal à l’aise, il s’accompagne d’un sourire, d’un jeu que tu penses être de la séduction. Et si tu te trompais ? Et si tu avais raison ? Tu ne te sens pas de son monde, non. Toi, tu es la gamine qui habite là où l’argent coule à flot. Une « fille de.. » comme certains t’appellent, parce que ton nom est écrit en gros sur plusieurs bâtiments du monde. Une fille seule oui. Enfin qui se sent terriblement seule la plupart du temps, dans une maison bien trop grande. Si dans les films américains, cela ferait de toi la fille populaire, apprécié et méchante, la réalité est bien différente. Pourtant, tu as touché du doigt ce pouvoir, tu l’as frôlé avant de le fuir. Une fuite que tu dois à ton éducation, ça semble ironique, n’est-ce pas ? Pourtant la personne qui t’a élevé n’est qu’une femme comme les autres, une employé de maison qui t’a éduqué comme sa fille, avec sa fille. Et si durant les années d’école primaires, l’amitié n’a pas d’argent, au lycée, c’est différent. Il a fallu choisir entre popularité et argent ou anonymat. Tu as réalisé trop tard que tu avais fait le mauvais choix. Et durant presque deux ans, tu étais la fille silencieuse dont on ne connaissait que le nom. Jusqu’à lui.

Tu pourrais parler des heures de qui a fait le premier pas, du contexte de votre premier de baiser, de comment il t’a appris à t’ouvrir aux autres. Des heures à parler de lui, de vous. De ses chansons aussi, qui te parles et ne font que renforcer ton attirance pour lui, pour l’âme derrière l’homme. De ce lycée qui a fini par être les meilleures années de ta vie. Tu étais amoureuse Aylin. Simplement amoureuse et tu voyais le monde du haut de votre petit nuage alors quand la question de l’université s’est posé, c’était comme une évidence. Personne ne changerait son rêve, vous serez loin le temps des cours, proche pour les vacances et de nouveau ensemble dans quelques années. Rêve d’adolescente rattrapé bien vite par la réalité. Vos avions décollent dans deux destinations différentes, vous routes prennent deux chemins parallèle. Vous vous promettez de vous écrire, chaque jour puis chaque semaine, et enfin chaque mois.. Petit à petit les mots disparaissent, le cœur cicatrise. Vous ne vous êtes jamais vraiment séparé. Tu n’as jamais vraiment cessé de l’aimer, c’est le temps qui a mis fin à votre histoire. Le temps . Une chose qui te manquait cruellement, entre la colocation, les cours, le travail et les devoirs, le temps passe et te files entre les doigts. Tu oublies de rentrer pour Noël, tu oublies de rentrer tout court.. La vie suit son cours et petit à petit tu te plonges dans une nouvelle vie, sans lui. Marisol te rejoins à Glasgow et tu lui fais découvrir la ville, ton nouveau monde et ton nouvel petit ami, Aiden. Histoire récente qui se conclura par votre mariage deux années plus tard, juste après avoir obtenu vos diplômes de journaliste. En apparence, tu avais la vie dont toutes les femmes rêvaient. Une belle maison, un travail qui te passionnes, un mariage heureux et bientôt un petit être en plus pour vous rejoindre. Pourtant tu n’es pas heureuse, pas autant que tu devrais l’être. Si votre histoire fonctionne, c’est parce que vous êtes semblable, trop semblable ? Aucun de vous ne compte ses heures passer sur un article et il peut vous arriver de ne même pas vous croisez durant plusieurs jours. C’est un rythme qui te convient, qui vous convient mais que tu n’envisages plus avec un bébé dans l’équation. Fruit de parents trop occupés, tu ne refuses d’offrir une telle vie à ton bébé et ça, il ne le comprend pas. Les disputes commencent à s’inviter dans vos vies et puis, il y a l’accident. Tu n’étais enceinte que de deux mois, personne ne le savait sauf vous et c’était mieux ainsi. Une voiture a heurter la tienne, peu de dommage physique si ce n’est la vie de ton bébé et ce traumatisme qui te hantes encore parfois. Les semaines qui en suivent sont très compliqué pour toi, tu tombes doucement dans la dépression alors que lui semble s’en moquer. Vous ne gérez pas de la même manière où plutôt il ne gère pas, pour lui, ce n’était rien, vous n’aviez qu’à recommencer. Pour toi, c’était tout.. C’est pour cela que tu es rentré à Reykjavík, avec Marisol. Tu avais besoin de changer d’air alors vous avez rejoint sa mère quelques jours. Quelques jours qui sont devenu quelques semaines, puis quelques mois quand le journal local a eu besoin d’une rédactrice. Et puis, il y a eu ce carnet, rouge, simple qui avait attiré ton regard dans la bibliothèque alors que tu préparais un article sur les 50 ans du restaurant italien . Tu l’avais ouvert par curiosité et sans trop savoir pourquoi, tu avais eu envie d’y répondre. Tu l’avais ensuite remis à sa place, pensant qu’il allait disparaitre mais non, au lieu de cela, il revenait à chaque fois pour te répondre, entrainant une conversation à l’ancienne. A travers des lettres que tu aurais pu écrire avant, mais cela, tu l’ignores encore…