(HABITATION) god i miss you (elias)

Il se tenait devant la porte, hésitait à sonner. Il sautait presque sur place, d’un pied sur l’autre en se demandant si c’était une bonne idée. Est-ce qu’il avait vraiment besoin de récupérer ses affaires ou c’était juste un prétexte pour le voir ? Clairement un prétexte, il s’en rendit compte à l’instant, alors qu’il hésitait encore à toquer. Tout Ils ne s’étaient pas revus depuis la rupture. Ils avaient parlé, quelques fois, par message. Bailey avait lu, ce qu’il lui envoyait, il avait senti son cœur s’arrêter à chaque mot, ses mains trembler un peu plus. C’était indéniable, il lui manquait. Mais il pouvait pas faire ça. Il pouvait pas le laisser revenir même s’il en mourrait d’envie, il voulait pas le retenir alors qu’il pouvait trouver mieux que lui. Ce n’était pas une bonne idée. Parce qu’il avait envie de le sentir dans ses bras, il avait envie d’oublier qu’il était malade, il avait envie de retrouver son ancienne vie, il avait envie d’avoir des projets, une vie. Tout s’était ralenti quand le diagnostique était tombé, tout s’était arrêté quand on lui avait dit que c’était plus grave que ce qu’ils pensaient.

Actuellement, ça allait. La chimio le maintenait dans un état stable. Elle l’affaiblissait, l’empêchait d’avoir une vie normale mais elle le maintenait en vie. Les médecins semblaient un peu optimiste mais Bailey y croyait pas trop. C’était un peu comme lui dire que son père se souciait de lui, y’avait peut-être un fond de vérité mais c’était loin d’être ça. Bailey ferma les yeux, inspira, chassa ses mauvaises pensées avant de finalement toquer. Salut... Le son mourra dans sa gorge alors qu’il le fixait. Il lui manquait, diable qu’il lui manquait. Euh, j’viens pour mes affaires, je peux entrer ? Il voulait qu’il lui dise non, qu’il lui foute le carton dans les mains et le mettent à la porte, il voulait qu’il soit en colère pour que ça soit plus facile mais il savait qu’il l’était pas. Et au fond, il voulait pas qu’il le soit.

Une bouffée de nostalgie le saisit quand il voit Elias sur le pas de la porte. Des milliers de souvenirs viennent le frapper, le laissant un peu sonné pendant quelques secondes. Et Elias est devant lui. Elias résolut à ne pas le laisser alors que Bailey a été horrible avec lui. Il le sait. Il est pas tendre. Il aimerait qu’il le déteste, ça serait plus facile. Il aimerait qu’il comprenne, que c’est pas contre lui, c’est tout sauf contre lui. Il le détaille, il n’a pas changé. C’est comme s’il revenait du travail, avant la maladie. Comme s’il rentrait, il venait l’embrasser, lui proposer de faire à dîner, s’allonger avec lui sur le canapé, c’était comme avant. Il savait que s’il se blottissait dans ses bras, il retrouverait cette partie de lui qu’il avait perdu. Mais ça serait injuste. Il en était persuadé, ça serait égoïste de sa part de lui infliger ça. De l’inquiéter, d’être un fardeau, de devoir être surveillé. Il finit par reprendre ses pensées, chasser ses idées de sa tête. Il avait résisté jusque là, il fallait qu’il continue. Merci. Que dire maintenant ? Faire un compliment sur la déco ? Il avait lui même acheté deux trois bibelots qui traînaient sur les étagères, qu’il avait laissé en partant.

Il s’installe sur le canapé, veut commencer à parler, prêt à dire quelque chose de cinglant, pour le repousser un peu plus. Mais à quoi bon. C’est pas vraiment lui, ça lui ressemble pas au fond. Et il a pas envie, ça ne marche pas. Il choisit d’abandonner le Bailey aigri, le masque qu’il porte. Il a envie de craquer, de se laisser aller, mais ça aussi, ça donnerait à Elias une raison de rester. Au fond, Bailey, il a besoin de lui. Il avait envie de lui à ses côtés. Je veux bien une tisane, j’ai arrêté le café. Il soupira, le café faisait parti de la liste des choses qu’il avait du abandonner, avec l’alcool. Il avait jamais été un grand buveur mais il appréciait une coupe de champagne ou une petite bière pour un apéritif. Physiquement, fatigué, mentalement, j’ai connu mieux donc on va dire que globalement, ça va. Il arrivait encore à se lever le matin, à s’occuper de lui. Travailler lui était impossible, c’était trop manuel. Les journées sont longues, je dors beaucoup et y’a la chimio. Il hausse les épaules. C’était une question qui le tourmentait depuis un moment, qu’est ce qui allait concrètement se passer s’il arrêtait les traitements ? S’il retrouvait pleine possession de son corps ? Et toi ? Comment ça se passe le boulot ? C’était juste des questions pour éviter le sujet qui les préoccupait tous les deux. La bombe qu’il avait lâché par sms. Ce qui était bien par sms, c’est qu’il pouvait réfléchir à ce qu’il allait écrire. Il pouvait effacer, remodeler, arranger la vérité. Face à face, eux deux, il savait que les mots allaient sortir tous seuls. Que s’il lâchait qu’il lui manquait, qu’il détestait dormir seul, il ne pourrait pas l’effacer. Que ça lui donnerait une raison de rester encore plus, de s’accrocher.

C’est bizarre cette sensation, de connaître le lieu, d’y avoir mille et un souvenirs et en même temps, de ne pas savoir quoi faire, de ne pas savoir quoi dire. Il attend, sur le canapé, sa bouilloire, son regard qui parcourt les étagères, les couvertures des livres qu’il n’a jamais lu, les bibelots collectés au cours de périple, les photos d’eux qui restent. Il se souvient du bon vieux temps, quand c’était simple. Quand ils se retrouvaient après le travail, dans leur petit bulle, loin du monde bruyant et inconfortable. Bailey, il avait rêvé d’une vie avec Elias. Il voulait cette stabilité, cette joie qu’il n’avait pas eu adolescent, il voulait construire une famille et vieillir tranquillement. On lui avait volé ça. On leur avait volé ça, à eux deux. Rompre n’avait peut-être pas été la meilleure des idées mais c’était la seule qui avait permis à Bailey de fuir. C’était ça au fond, il avait fuit, pour le protéger lui, pour se protéger aussi. Et il se persuadait que c’était mieux comme ça. Parce qu’il se maudissait jour après jour d’avoir pris cette décision. Il se sentait atrocement seul, il était son seul soutien. Il y avait ses amis, certes, les quelques qui étaient au courant, qui lui changeaient les idées, qui l’aidaient du mieux qu’ils pouvaient mais c’était différent, incomparable.

Elias vient s’assoir à côté de lui, pose la tisane. C’est tellement familier comme odeur, tellement réconfortant. L’odeur du café le matin, quand ils se réveillaient tous les deux. Il a l’impression de revenir chez lui après une trop grande absence. Ça le prend à la gorge, ça le torture. Il se concentre pendant quelques minutes, pour ne pas craquer. Parce que ce n’est pas tellement lui de se laisser aller, il a toujours été quelqu’un de discret, qui se laisse peu aller. Son père n’aurait pas toléré qu’il pleure. Non, je ne travaille plus. J’arrive plus à tenir mes outils. Il sourit mais pour la forme. Son travail, après la fin du lycée, ça avait été sa nouvelle raison de vivre et puis, après, il y avait eu Elias. La main est proche de la sienne. C’est terriblement tentant. Il ne devrait pas. Il ne faut pas.

Il sourit, un vrai sourire cette fois-ci. Il le sait, il a l’air d’un fantôme, presque transparent tellement sa peau en devient pâle. Mais ça faisait parti du jeu, c’était à cause du traitement. Il ne pouvait pas lutter contre les effets secondaires, ça allait de paire avec les insomnies et les maux de tête.
J’ai le rythme de vie d’un vampire, ça doit être pour ça. Il essaye de rire mais il sait très bien que c’est pas tellement le sujet. Il est venu pour deux raisons, récupérer ses affaires et discuter de leur relation. Et il a peur du deuxième sujet. Oh, super pour ta promotion. Non, je m’en fiche pas. Je m’intéresse à toi. Il répond durement, levant légèrement les yeux au ciel. Et puis, son regard plonge dans le sien et Bailey se sent soudainement flancher. Il a cette sensation étrange dans le ventre, le cœur qui tambourine. Un peu comme la première fois qu’ils se sont embrassés, en mille fois plus agréable. Il soupire. Si, tu as raison, nous devons parler. Il prend alors une inspiration. Il le sait, ça ne va pas être un moment agréable et ça ne se terminera sûrement pas très bien. Ils sont têtus tous les deux, ils sont convaincus d’avoir raison tous les deux. Qu’est ce qu’il y a à dire ? Bonjour, je m’appelle Bailey, j’ai 27 ans, j’ai été diagnostiqué d’une tumeur au cerveau y’a presque un an. Je ne travaille plus, j’ai un traitement qui m’empêche de vivre et je ne suis même pas sûr d’atteindre le stade de la rémission un jour. Je prends des cachets pour contrer les effets secondaires. J’ai des maux de tête, des nausées et je m’évanouis si j’ai pas assez dormi. C’est avec cette personne que t’as envie d’avoir une vie ? Que tu veux construire quelque chose ? Bon sang ! Il s’énerve un peu, prend sa tête entre ses mains. Il voudrait disparaître, partir loin, il ne voulait pas qu’il le voit comme ça. Au plus bas. Je serais un fardeau pour toi. Rien de plus. J'ai aucune envie de t'infliger ça. Il se frotte les yeux, baisse la tête, n'ose pas le regarder.

Bailey a perdu patience. Il croit plus en grand chose, le concernant. Le bonheur lui semble loin, sa carrière aussi et sa vie n'a plus vraiment de sens. Il ne sait plus pourquoi il se lève le matin. Il se sent vide, plus d'énergie, plus d'envie. Éloigner Elias de sa vie avait fini de l'achever. Il reconnaissait que c'était une erreur, pour lui. Parce qu'il n'avait plus vraiment quelqu'un pour lequel se battre, une personne assez importante pour qui il pourrait endurer tout ça. Mais ça signifiait qu'il devrait vivre à son rythme. Qu'il devrait supporter les terreurs nocturnes, les réveils en sursaut, les effets secondaires, sa mauvaise humeur. Il avait peur qu'il finisse par le détester, il avait peur qu'il l'abandonne. Partir avant, ça lui avait permis de garder un contrôle sur la situation. S'il acceptait, il ne l'aurait plus. Il sent sa main remettre une mèche de cheveux, il sent sa main prendre la sienne. Il sent aussi son cœur craquer un peu, dans sa poitrine. Il sent le poids de la solitude sur ses épaules partir un peu, il sent la douleur se dissiper, un peu. Il n'avait qu'une envie, venir dans ses bras, oublier un peu tout ça. Mais y'a ce truc, qui le retient. Ce truc indéfinissable.

"Mais je ne suis plus moi. Je ne suis plus celui qui t'envoyait des messages avant notre premier rencard, je suis plus celui qui campait devant ton boulot le soir pour t'attendre. Je suis plus celui de nos voyages ou de nos photos." Il soupire de plus belle, abattu. Il n'était plus question de se mettre des bâtons dans les roues, juste d'être réaliste. "Même si on se remettait ensemble, y'a aucune garantie que tu aimes ce Bailey la. Ça fait trois mois qu'on ne s'est pas côtoyé, trois mois que j'ai ce truc, il s'est passé beaucoup de choses." Et il savait que c'était de sa faute, si Elias n'avait pas pu appréhender ces changements, il savait que c'était de sa faute si ça ne pouvait plus fonctionner. "Tu me manques aussi. Mais c'est plus complexe que ça." Il finit alors, toujours sans oser affronter son regard. Il avait peur de ce qu'il pourrait y lire. De la déception, de la colère, de la tristesse. Il s'en voulait énormément de le blesser, d'avoir ce rôle de méchant mais il n'avait pas le choix. Ils pouvaient être amis, ça serait simple, mais amant impliquaient trop de choses pour que ça fonctionne.

Il a sa main dans la sienne. C’est sûrement la chose la plus à même de le faire craquer. Et il en meurt d’envie. Ça serait tellement plus simple de dire oui, de l’embrasser, d’oublier ces derniers mois, d’effacer tout. Il se voyait déjà blotti contre lui, sur ce même canapé, à se laisser bercer par le son de sa voix, par la sensation de sa main qui caresserait son dos. Les souvenirs remontent alors à la surface, doux, amer, qu’importe, il est là, lui. Il est à lui. Je suis d’accord, c’est pas juste, mais c’est comme ça. Crois moi, j’aurais aimé que ça se passe autrement, de biens des façons. Il a un sourire désolé, le cœur qui craque doucement sous le poids des regrets et de la douleur. Dire encore une fois non, c’est totalement les enterrer. C’est définitivement tourner la page. Elias a été sa relation sa plus longue. Il avait été celui qui le comprenait le mieux, qui l’avait soutenu. Il avait peine à imaginer sa vie sans lui et pourtant, aujourd’hui, il s’efforçait de vivre sans lui.

Alors il se laisse aller. Son corps se laisse aller un peu plus contre lui, s’appuyer, accueillir cette chaleur qui lui avait finalement tant manqué. Il réfléchissait. C’était compliqué. Ça se bousculait. Est ce qu’il allait vraiment changer d’avis ? Lui, si têtu ? Il sent cette main caresser ses cheveux, ses dernières barrières faiblir, casser, réduites en poussières. Il continuait de penser que ce n’était pas une bonne idée. Je suppose que ça pourrait fonctionner, qu’on soit ami j’entends. Il lâche alors, toujours contre lui. C’était déjà un pas. Mais on ne sera pas un couple. Et ta vie ne tournera pas autour de moi. Parce que c’était comme ça qu’ils fonctionnaient quand ils avaient été ensemble. Enfin, pour Bailey. Elias avait été son petit monde, sa petite bulle. Il vivait pour son travail mais surtout pour lui. Et ça ne pouvait plus être comme ça, il voulait qu’il vive, qu’il fasse ce qu’il faisait maintenant, pas qu’il s’empêche de faire des choses à cause de lui. Deal ? Il demande en se redressant un peu, juste assez pour que ses yeux plongent dans les siens. Dieu qu’il l’aimait. Dieu que ça lui faisait mal de s’imposer ça.